À moins d'être expert en économie internationale, la Bourse est pour beaucoup d'entre nous synonyme de jeu de hasard. Les paramètres qui vont faire grimper ou s'effondrer une valeur boursière sont tellement vastes qu'il est impossible de tous les connaître et que prédire un cours est un véritable tour de force. Néanmoins une bonne connaissance du marché peut à minima donner les tendances à défaut de donner de vraies prédictions.
Mais dans beaucoup de cas, même la tendance la mieux élaborée peut s'inverser en fonction d'un élément totalement imprévu (scandale, attentat, catastrophe naturelle…) qui va subitement faire pencher la balance du côté opposé. Dans ce cas le hasard a joué un rôle majeur et rien ni personne n'a pu s'y opposer. Tout comme dans les jeux d'argent, la chance a redistribué les cartes.
Même si placer en bourse semble plus sérieux que de jouer au casino, les deux activités sont mues par le même ressort : le goût du risque et l'appât du gain. Bien sûr on pourra rétorquer que tout entrepreneur quelque peu audacieux n'hésite pas à prendre des risque pour augmenter ses gains, mais il y a une nette différence : l'entrepreneur est un créateur de richesses alors que le boursicoteur et le joueur de poker ne créent rien, ils s'enrichissent sur le dos de moins habile ou moins chanceux qu'eux !
Bien sûr le boursicoteur peut toujours se justifier en prétendant qu'il participe à l'économie puisque, en achetant des actions — donc des parts de sociétés — il permet à une entreprise d'exister, mais ce cas est limité. En effet, il n'y a qu'au moment de la mise sur le marché qu'il joue un rôle fondamental, ce qui arrive ensuite est de moindre importance pour l'entreprise. Le fait qu'une action s'effondre n'affecte pas sa trésorerie ni sa structure interne, la baisse boursière va seulement entamer le capital "confiance". Un banquier accordera moins de facilités de caisse, et un fournisseur moins de délai de paiement, à un client dont le cours est à la baisse, c'est certain. Mais il faut aussi reconnaître que bien souvent la chute d'une action n'est pas due à de moindres performances de l'entreprise mais simplement à un fléchissement de la bourse en général. Ainsi le boursicoteur lambda qui achète et revend une action n'a rien apporté à l'entreprise, au contraire, il n'a fait que profiter des bons résultats de cette dernière.
D'ailleurs, on pourrait dire que le joueur participe tout aussi bien à la vie économique du pays : il permet à des casinos d'exister et de fournir des emplois à une foule d'intervenants, du croupier à la barmaid en passant par le vigile, le comptable ou la femme de ménage. On n'y pense pas souvent mais le monde des jeux d'argent (du moins ceux qui sont légaux) représentent une véritable activité économique au sens propre du terme.
On pourra toujours rétorquer que les casinos ne produisent rien d'autre que du vent mais une telle vision est tout à fait incomplète : les établissements de jeux, qu'ils soient physiques ou virtuels peu importe, apportent une véritable distraction au même titre que les cinémas, les jeux vidéos, ou les stades.
Ils sont des producteurs de sensations fortes, des pourvoyeurs d'adrénaline et de véritables défouloirs. Bien sûr ils représentent un certain danger pour la population qui les fréquente mais c'est précisément la perspective de ce danger qui attire le joueur. L'être humain est ainsi fait qu'il a besoin de prendre des risques pour se sentir vivant, c'est un besoin psychologique, on ne peut pas lutter contre.
Bien sûr, à la différence de la Bourse, les jeux de hasard ne permettent aucune analyse préalable et la connaissance de l'économie mondiale n'y change rien. Mais c'est précisément cette totale incertitude qui crée tout le sel du jeu.
On pourrait même conclure qu'un casino est un temple où l'individu se retrouve seul et démuni, non pas face à Dieu mais face à sa Chance et à son Destin…
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