L'Allocation Universelle Utopie ou nécessité ?
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Thomas
Payne
Le travail tend à disparaître, tel une denrée
rare et précieuse, dévoré par les robots, les ordinateurs
et leurs monstres dérivés.
Bientôt le travail sera un privilège réservé à une
élite chanceuse, le reste de la population étant voué
à l'inactivité et à la pauvreté.
Alors que le progrès devrait être une source de bien-être
pour l'humanité tout entière, c'est bien souvent l'inverse
qui nous accable… Pourquoi ?
Tout simplement parce que l'électronique, l'informatique
et l'ensemble des processus de robotisation nous permettent
de travailler moins, mais que nos lois sociales, vétustes
et archaïques, continuent de nous imposer le travail
comme unique moyen de subsistance. La contradiction
est évidente !
Il semble donc essentiel de trouver une redistribution
des revenus différente de ce qu'elle a été jusqu'à présent.
Et la solution semble se dessiner dans ce qu'on appelle
" l'Allocation Universelle"
Imaginée par Thomas More (ci-contre)
en 1515, puis reprise par
Thomas Paine en 1796, l'idée serait de distribuer à
tous les individus, de leur naissance à leur mort, un
revenu forfaitaire et égal pour tous.
L'idée peut sembler étrange et relever d'un communisme
utopique, mais en lisant le livre de Jacques Marseille,
"L'argent des français", on est tenté d'y
voir une ébauche de solution non dénuée d'intérêt.
Tout d'abord il faut bien comprendre que cette allocation
serait unique, en ce sens qu'elle remplacerait toutes
les allocations existantes : finies les allocations
chômage, les allocations familiales, les assurances
retraite et toutes les aides existantes (seule l'assurance
santé serait préservée)
Ensuite, elle serait distribuée à tous les Français
(puisque nous parlons de la France) sans distinction
de ressources, de fortune ni de rang social. Elle serait
donc pleinement égalitaire.
Jacques Marseille l'évalue à 375 euros par mois jusqu'à
l'âge de 18 ans, puis à 750 euros mensuels à vie.
L'impact d'une telle mesure serait prodigieux.
D'abord, sur un plan purement psychologique, elle
permettrait à chacun d'évacuer la hantise permanente
de perdre son emploi et de se retrouver à la rue. Elle
favoriserait la prise de risque, la liberté de quitter
son emploi pour un autre ou d'entreprendre. Elle permettrait
de gérer sa vie comme on l'entend et de s'octroyer des
congés parentaux ou des congés sabbatiques, ou encore
de reprendre des études ou une formation professionnelle
sans avoir de comptes à rendre à personne.
Sur le plan financier, elle serait aussi très avantageuse.
A titre d'exemple, un couple avec deux enfants percevrait
ainsi 2250 euros hors salaire, ce qui est bien plus
appréciable que les actuelles allocations familiales.
En ce qui concerne le chômage ou la retraite, bien
sûr l'allocation universelle semble moins rémunératrice,
mais si l'on tient compte du fait qu'on l'a perçue même
en pleine activité alors qu'on n'en avait nul besoin,
elle demeure, de par son cumul, très intéressante (bien
sûr il appartiendra à l'allocataire de la mettre de
côté en période prospère pour mieux l'utiliser en période
de vaches maigres)
Certains vont sans doute se demander comment l'Etat-Providence
pourrait financer une telle contribution.
Il faut savoir que le coût n'en sera pas plus élevé
que par l'actuel gaspillage. En 2007, l'ensemble
des prestations de protections sociales versées aux
Français a représenté 578 milliards d'euros… pas toujours
versés à bon escient. L'allocation universelle quant
à elle représenterait 510 milliards d'euros…!
En outre, une telle allocation permettrait de résoudre
le problème, bientôt insoluble, de notre vieux système
de retraite par répartition. Alors que le ratio
était de 1500 travailleurs pour 100 retraités à sa création
en 1945, il ne sera plus que de 120 cotisants pour 100
retraités en 2050 ! C'est à dire que ce système est
condamné à très brève échéance et qu'il est urgent de
lui trouver un palliatif.
Enfin, il va sans dire que l'application d'une telle
mesure permettrait une économie considérable avec la
suppression de tous les services administratifs inhérents
à la gestion, aux versements et aux contrôles de toutes
les allocations actuelles.
Quels seraient donc les inconvénients de l'Allocation
Universelle ?
1) Tout d'abord, sa mise en place représenterait
un travail titanesque. Le passage de l'ancien système
vers le nouveau devrait être extrêmement progressif
afin de ne léser ni favoriser personne. Car si l'allocation
universelle n'est intéressante que parce qu'elle est
perçue toute la vie durant, comment l'appliquer soudainement
à un retraité ou à un chômeur de 50 ans qui a cotisé
toute sa vie ? Il y aura là des calculs d'une précision
extrême à effectuer pour que chacun s'y retrouve.
2) Les Français auraient à gérer eux-mêmes leur risque
et, comme nous l'avons dit plus haut, devraient savoir
économiser en période prospère pour en profiter en période
difficile. Mais toute la question est de savoir s'ils
en auront la sagesse ?
Certains ne risquent-ils pas de dilapider leur allocation
pour se retrouver démunis à l'âge de la retraite ? Le
danger ne sera-t-il pas de devoir les assister encore
à ce niveau et de revenir progressivement au système
antérieur ?
3) Nous savons que nos compatriotes sont pour la
plupart totalement hostiles à toute réforme et qu'ils
n'admettent que les mesurettes proposées par nos gouvernants
successifs, et encore !
Il est donc à parier qu'une telle proposition provoquerait
un tollé monstrueux et qu'il faudrait des décennies
avant d'en faire accepter le moindre soupçon.
4) Sa mise en application provoquerait la mise au
chômage progressive les milliers de fonctionnaires occupés
à gérer les caisses existantes (Assedic, ANPE, CAF,
CNAV, etc…) Mais la mise en œuvre des robots chasse
aussi les employés du privé sans que personne n'y trouve
à redire…
5) Enfin, dernier inconvénient et non le moindre
: sachant que nos gouvernants sont élus pour des périodes
très courtes et qu'ils sont jugés sur des résultats
à très court terme, quel homme politique acceptera de
s'engager dans une réforme dont il ne subira que les
critiques et dont on ne récoltera les fruits que bien
au-delà de son mandat ?
En conclusion, même si nous sommes conscients de
la difficulté énorme qu'il aurait à mettre en place
un tel système, nous restons persuadés que cette idée
est une piste à ne pas négliger.
Peut-être ne faut-il pas l'appliquer au pied de la
lettre, peut-être faut-il seulement s'en inspirer dans
les grandes lignes, peu importe, l'essentiel est de
suivre la voie qu'elle nous ouvre. De toute façon, nous n'aurons bientôt plus le choix…
G
Denamps
Sources
: Jacques Marseille- L'argent des Français; aux éditions Perrin
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